Dans un contexte où la durabilité est devenue un enjeu central, on pourrait penser que toutes les entreprises cherchent à mettre en avant leurs engagements RSE. Pourtant, un phénomène inverse émerge : le greenhushing.
Derrière ce terme encore méconnu se cache une tendance inquiétante : certaines entreprises choisissent de taire volontairement leurs initiatives durables, de peur d’être critiquées ou accusées de greenwashing.

Mais ce silence stratégique est-il réellement une solution… ou un risque encore plus grand pour leur crédibilité ?

Le greenhushing désigne la pratique consistant à ne pas communiquer – ou à réduire la communication – sur ses actions environnementales et sociales, même lorsqu’elles sont réelles et substantielles.Ce phénomène s’oppose au greenwashing, où les entreprises exagèrent ou embellissent leurs actions pour se donner une image plus verte qu’elles ne le sont en réalité.
Dans le cas du greenhushing, c’est l’inverse : des initiatives existent, mais elles restent dans l’ombre.

Pourquoi certaines entreprises ne veulent plus communiquer sur leurs engagements RSE ?

Les raisons du greenhushing sont multiples :

  1. La peur de la critique publique : dans un climat de méfiance généralisée, chaque communication RSE peut être passée au crible par les médias, ONG ou consommateurs.
  2. La complexité des normes : face à la multiplication des labels, réglementations et standards (CSRD, taxonomie européenne, etc.), certaines entreprises préfèrent attendre avant de communiquer, de peur de mal le faire.

La crainte du “pas assez” : une entreprise qui annonce une action écologique s’expose à la question : “Et le reste ?” Ce qui peut générer un effet boomerang négatif.

Les risques du greenhushing

Si ce silence peut sembler rassurant à court terme, il comporte en réalité de multiples dangers, à la fois stratégiques, réputationnels et réglementaires :

  • Perte d’opportunité de valorisation : une entreprise qui choisit de taire ses actions RSE se prive d’un avantage compétitif majeur. Aujourd’hui, les consommateurs, investisseurs et collaborateurs accordent une importance croissante aux critères ESG (environnementaux, sociaux et de gouvernance). Ne pas mettre en avant ses initiatives, c’est passer à côté d’un levier d’attractivité, de fidélisation et de différenciation.
  • Défiance accrue : à l’ère de la transparence et de l’open data, le silence peut être perçu comme une volonté de dissimuler des informations. Les parties prenantes peuvent alors interpréter ce mutisme comme une absence d’engagement réel, voire comme une tentative de camouflage d’un manque d’actions concrètes. Autrement dit, le greenhushing peut avoir le même effet négatif que le greenwashing : une perte de confiance durable.
  • Décalage concurrentiel : de plus en plus d’entreprises assument et communiquent de manière transparente sur leurs actions RSE. Celles qui choisissent le silence risquent d’apparaître comme en retard sur le marché, alors même qu’elles pourraient être pionnières. À long terme, ce décalage peut se traduire par une baisse de compétitivité, une moindre attractivité auprès des talents et une image de marque affaiblie.
  • Non-conformité future : le cadre réglementaire évolue rapidement. Avec la CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive) et d’autres normes européennes et internationales, la publication d’informations extra-financières devient obligatoire pour un nombre croissant d’entreprises. Autrement dit, le silence ne sera plus une option. Celles qui n’auront pas développé une culture de la communication responsable se retrouveront pénalisées par manque d’anticipation.
  • Isolement des parties prenantes : ne pas partager ses engagements ou ses progrès, c’est aussi prendre le risque de ne pas mobiliser ses collaborateurs, partenaires et clients autour d’une vision commune. La communication RSE n’est pas qu’un outil marketing, c’est aussi un puissant vecteur d’engagement collectif et de cohésion interne.

Le greenhushing est une stratégie défensive qui peut sembler protectrice face au risque de critique, mais qui s’avère en réalité contre-productive. Elle prive l’entreprise d’opportunités de valorisation, fragilise la confiance et l’expose à des contraintes réglementaires croissantes.

Comment sortir du piège du greenhushing ?

La solution n’est pas de se taire, mais au contraire de communiquer avec transparence, authenticité et pédagogie. La communication RSE n’a pas vocation à être un exercice de marketing pur, mais un outil de dialogue qui inspire confiance et construit la crédibilité de l’entreprise sur le long terme.

Voici quelques bonnes pratiques concrètes pour sortir du piège du greenhushing :

  • Privilégier les faits mesurables
    Évitez les slogans vagues et les promesses trop générales. Les parties prenantes veulent des preuves tangibles. Publiez des données chiffrées, comparables et vérifiables : réduction des émissions de CO₂, pourcentage de matières recyclées utilisées, évolution du taux de satisfaction des collaborateurs…

    Notre conseil : appuyez vos chiffres sur des audits externes ou des certifications indépendantes. Cela crédibilise votre discours et réduit le risque d’être perçu comme dans l’autopromotion.
  • Adopter une communication progressive et honnête
    Personne n’attend d’une entreprise qu’elle soit parfaite. Ce qui compte, c’est de montrer une trajectoire, avec ses réussites mais aussi ses limites. Dire “voici ce que nous avons atteint” et “voici ce qui reste à améliorer” suscite beaucoup plus de confiance qu’un discours trop lisse.

    Notre conseil : mettez en avant vos objectifs à court, moyen et long terme, avec des indicateurs de suivi clairs. Cela permet de démontrer que vos engagements s’inscrivent dans une démarche d’amélioration continue.
  • Impliquer les parties prenantes
    Vos collaborateurs, partenaires et même vos clients sont vos meilleurs ambassadeurs. Les associer à votre démarche RSE – par des ateliers, des enquêtes ou des co-créations de projets – permet non seulement de renforcer votre crédibilité, mais aussi d’enrichir vos actions grâce à des retours concrets du terrain.

    Notre conseil  : intégrez des témoignages et des retours d’expérience dans votre communication (ex. : paroles de collaborateurs, études de cas clients, interviews partenaires). Cela humanise votre discours et le rend plus authentique.
  • S’appuyer sur les nouvelles normes et cadres de référence
    Les standards tels que la GRI (Global Reporting Initiative) ou la CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive) ne sont pas seulement des contraintes réglementaires : ce sont aussi des guides utiles pour structurer un récit clair, comparable et crédible.

    Notre Conseil : inspirez-vous de ces référentiels pour hiérarchiser vos informations et adopter une communication cohérente d’un rapport à l’autre. Cela permet de gagner du temps, d’anticiper les évolutions légales et de rassurer vos investisseurs et partenaires.

La clé est de ne pas chercher à séduire à tout prix, mais à informer de manière sincère et constructive. Une communication RSE efficace n’est pas une vitrine, c’est un levier de dialogue et de confiance durable.Le greenhushing illustre la difficulté des entreprises à trouver le juste équilibre entre sincérité et exposition médiatique. Mais à l’heure où les consommateurs exigent de la transparence et où les régulateurs imposent la traçabilité, se taire n’est plus une stratégie viable.